CHAISSAC / MOUGIN, une correspondance
- Écrit par Paire alain
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Il faut donner aux hommes conscience de leur valeur.
Gaston Chaissac
La correspondance Chaissac / Mougin, cinquante-huitième livraison de la revue TRAVERS, est un événement qui se présente sous une forme des plus singulières. Ni livre-objet, ni objet-livre, c’est une œuvre au toucher granuleux et tendre, fabriquée avec un souci du bien faire qui la rend d’autant plus précieuse.
Ce Libre objet sous emboitage dépliable, exige, de par sa complexité, une importante participation du lecteur. Mais la récompense est grande autant pour ceux qui connaissent que pour ceux qui ignorent encore l’œuvre de ces deux hommes issus de milieux populaires. Car ce livre contient 23 lettres inédites, fac-similés dans leur graphie originale accompagnées pour Chaissac de leur traduction typographique. La calligraphie et l’orthographe précise de Jules Mougin contrastent avec le jet parfois fantasque de l’écriture de Gaston Chaissac. Une curiosité commune, un lien fraternel unit ces deux artistes qui savent regarder à hauteur d’homme. Tes lettres me font du bien Chaissac. C’est un peu de clarté que tu m’envoies. J’aime ce que tu aimes. (Mougin, 16 juin 1949). La rencontre espérée entre ces deux irréguliers, ainsi nommés par Michel Ragon, n’eut jamais lieu, mais une vive complicité leur fit échanger de 1948 à 1962 cette correspondance où l’un et l’autre révèlent les multiples faces de leur personnalité dans un questionnement profus sur l’art et sur la vie. De leurs écrits se dégagent une esthétique et une morale de l’insoumission. Ce que j’aime en l’homme c’est son cœur. L’intelligence fait crever le monde, je crois. (Mougin, 11 juin 1949).
Chaissac, quant à lui, s’il manie à merveille l’humour le plus fantasque, sait aussi lâcher sa colère : Peut-être as-tu rencontré jusqu’au rené Huygue, un fada qui se pique d’être critique d’art et même critique littéraire par dessus le marché. Alors que pour l’être véritablement il aurait fallu s’y prendre de jeunesse et il était alors fort occupé à la course aux diplômes et aux places. Il est l’un de ces pauvres mecs que la République encore apprentie a rendu infatués d’eux même, détraqués, hystériques et receveurs de coups de chapeaux.
Dans une longue lettre, il raconte son enfance et ses diverses aspirations, mais également ce qui l’a porté vers la peinture. Je ne suis pas tourmenté par le désir d’être un grand peintre, et si j’arrive simplement à être un bon peintre vers la cinquantaine (…) ce ne sera déjà pas si mal que ça. J’aurai davantage d’ambition en ce qui concerne la littérature (…)
Quatre lettres accompagnent l’ouvrage (Camille Chaissac, Jean L’Anselme, Michel Ragon et Jean Mougin). Claude Billon a été le co-maître d’œuvre avec Philippe Marchal son éditeur. Ils furent soutenus jour après jour par la bienveillante complicité du fils de Jules, Jean Mougin, qu’un coup du sort a terrassé avant que l’ouvrage ne paraisse. Claude, en ami fidèle lui dédie ce livre accompagné d’un texte émouvant : une parole simple.*
Plus nombreux qu’on l’imagine, ces hommes servent la cause de la vie, lumineux poètes du quotidien qui à travers leurs actes et leurs pensées sèment la joie et le désir de faire émerger un monde enfin pacifié.
Sur ce lien, on trouvera un article de Léon Claude Vénézia "J'ai rencontré Jules et Jeanne Mougin". Sur cet autre lien, un article et des photographies à propos du sculpteur Raymond Moralès.
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***** Jean, le fils de Jules Mougin a quitté les vivants le 17 avril 2012. La Correspondance Chaissac /Mougin lui est dédiée. Claude Billon a composé cet envoi en sa mémoire :
