Un mural de grand format, toujours visible, angle de la rue Lieutaud et de la rue des Cordeliers.
Au hasard de ses pérégrinations pendant plus d'une vingtaine d'années parmi les rues d'Aix-en-Provence, Patrick Houdot a recueilli sur ses images, des traces infiniment ténues, des détails qui ne sont presque plus visibles aujourd'hui. Sur ses photographies, on aperçoit ce qui a d'ores et déja presque totalement disparu, les vieilles cicatrices, les rides, les craquèlements, les crevasses et les lézardes, la plupart des peintures et des anciennes inscriptions qu'on pouvait appréhender lorsqu'on contemplait voici peu de temps les murs d'Aix-en-Provence. Certes, les hôtels particuliers, les ruelles et certaines demeures ont conservé leurs portes, leurs cariatides, leurs corniches, leurs ferronneries et leurs mascarons. Les murs d'Aix-en-Provence sont pourtant à présent presque totalement dépouillés de ce qui faisait une grande part de leur charme. Ils sont beaucoup moins porteurs qu'auparavant d'histoire et de mémoire. Depuis quelques années on sait que dés qu'une anicroche survient - il faut bien l'avouer, un tag ou bien un graffiti, c'est souvent très peu inventif, c'est assez rarement merveilleux - des brigades spécialisées dotées d'instruments redoutablement efficaces interviennent immédiatement. Par ailleurs, autorisée ou non, dés qu'une inscription n'a plus de raison d'être, ses traces et ses vestiges sont à quelques exceptions près, rapidement effacés. Ou bien encore, voici que survient le grand lifting, la totalité de la facade est ravalée : tout est badigeonné, recouvert et gentrifié, tout devient propret, neutre et aseptisé.
/>Il faut regarder ces choses fuyantes et fragiles, ces détails furtifs que Patrick Houdot a décelés, cadrés et captés avant qu'il ne soit trop tard. Son regard n'est pas exactement celui d'un révolté ou bien d'un nostalgique. Il nous raconte silencieusement et discrètement qu'un petit pan de mur jaune a pour toujours disparu. Nous n'y prenons jamais suffisamment garde. Vivre sans liaison et sans trace de ce qui peut façonner le socle de notre mémoire est une chose dangereuse, un péril qu'il faut tenter d'évaluer. Un auteur insurpassable, monsieur Marcel Proust nous a voici déja longtemps parfaitement avertis : sans la dimension du souvenir, il n'y a pas de réalité.
Pour cet article, parmi les images de cette exposition, j'ai choisi d'insérer quelques fragments de ce que furent autrefois les enseignes, les devantures et les publicités des commerces aixois. Après les Vêtements sélectionnés sur mesure qui sont en première ligne (au bout de la rue Lieutaud) on apercevra les empreintes effritées des Sièges et les sommiers de Bonnefoy qui travaillait au 1 de la rue Monclar, tout près du Palais de Justice et de la Place de Verdun (cette peinture murale est encore visible aujourd'hui). Ensuite la Crémerie et la Chantilly de Giraud qui sévissait rue Gibelin, après quoi l'enseigne d'un cordonnier qui oeuvrait rue Boulegon. Plus bas, à la fin de l'article, on apercevra, fort peu lisible, l'annonce des Friandises italiennes que l'on dégustait rue du Félibre Gaut. A présent, cela semble irréversible, des manières de dire, de vivre et d'échanger, de vieux métiers, certains profils d'existence n'ont plus cours.



Alain Paire
Vernissage le jeudi 12 septembre, à partir de 18 h. Ouvert du mardi au samedi de 14 h 30 à 18 h 30. Ouverture exceptionnelle le dimanche 15 septembre, Journée du Patrimoine, de 15 h à 18 h. Tél 04.42.96.23.67.
Ce samedi 14 septembre, un article de Guenael Lemouée et une photographie de Sophie Spiteri paraissaient dans La Provence. Le site Aixcentric / Events and news from Aix-en-Provence,rédigé par Lynne Alderson signalait également le 12 septembre, dans la langue de Shakespeare, l'exposition de Patrick Houdot sur ce lien. L'article était titré History on the walls.